samedi 10 novembre 2012

Plaidoyer pour l'élevage de Wallonie

Lettre envoyée à l’édition du Sillon Belge du 09/11/2012
Bonjour,
Suite à l'excellente lettre de Marc Assin et à la volonté de C. Verdin d'alerter l'opinion sur le désastre agricole dans le SIllon du 26/10, je souhaitais "vider mon sac".

Il est clair que ces animaux sont des aboutissements de sélections, le fruit d'un polissage multigénérationnel dans la relation entre l'homme, l'animal et la terre. Cela en fait-il des dangers pour notre environnement? Une réponse de benêt abruti par une médiatisation sans source croissante de l'objet "Agriculture" serait aisée : Races à fort potentiel égalent races à forte demande en matière d'intrants.

Oui, certes. Mais qu'en est-il du ratio intrants sur produits? La réponse est beaucoup plus malaisée, pour la simple et bonne raison qu'elle n’intéresse que l'agriculteur, pour son petit salaire, et pas le grand public gavé de média, mais relativement astreint en matière d'information. Notre pays s'est effectivement spécialisé dans les deux races bovines les plus productives du monde (95% de race Holstein en spéculation laitière par exemple), grâce avant tout à un tissu agricole de haut niveau, tant sur le plan des cultures, de l'appui d'une forte composante herbagère, que de l'habilité aux métiers de l'élevage; qui peut concurrencer un éleveur wallon sur le plan de l'élevage des veaux et du soin à la période néonatale? Ce haut niveau n'a pu s'exprimer que grâce également à un tissu vétérinaire et agronomique dense comportant probablement les meilleurs chirurgiens obstétriciens vétérinaires de la planète. Doit-on en rougir?

Le BB-B est la race de haut niveau avec les meilleures performances sanitaires en matière de mortalité néonatale (3-6%) et de pathologie de la reproduction (faible impact des métrites, des rétentions placentaires etc...). Doit-on en rougir? Nous disposons d'un des plus hauts niveaux sanitaire du bétail de la planète, doit-on en rougir? La traçabilité SANITRACE belge est également une des plus performantes d'Europe, doit-on en rougir? C'est une des meilleures races candidates à l'amélioration des races locales dans les pays en développement, et cela ne s'est pas fait sans une haute expertise locale belge. Certes, nous avons un vétérinaire à chaque vêlage ou presque en BBB, mais n'est-ce pas en comparaison avec la médecine humaine ce que notre société a fait de mieux, médicaliser les accouchements pour limiter les risques de mortalité des mères et des enfants?

Dans le cadre de mon métier, je vais toutes les semaines visiter des exploitants dont l’élevage se trouve sur une brèche sanitaire, souvent multifactorielle, liée essentiellement et le plus souvent selon moi au fait que ces femmes et ces hommes sont seuls, fruit d'une PAC mécanisante, ayant oublié qu'un tissu social ne se construit pas avec des machines. Et pourtant ces travailleurs portent toujours le deuil des animaux réformés, l'analysant toujours comme un échec personnel, est-ce bien là le signe d'un élevage bovin industrialisé par des races hyper-productives? L'utilisation de ces races est le fruit d'une expertise, je pense qu'on a les animaux qu'on mérite, et je trouve plutôt stimulant de savoir que nos agriculteurs-éleveurs ont réussi ce pari.

"Bien-sûr, nous eûmes des orages"
disait le poète, il est évident que ces races présentent plus de risques pour le novice, mais elles ont également réussi le pari de limiter la quantité d'eau, de sol et de nourriture utilisé par kilogramme de produit. Fort heureusement pour nous, ou malheureusement, il n'y plus guère de novices en agriculture, il n'y a d'ailleurs plus guère d'agriculteurs tout court dans ce pays d'excellence agricole.

Que souhaite donc notre société, stigmatiser ce tissu rural capable de faire naitre viande et lait d'un sol brut, alors que les pays émergents ne savent qu'à peine fabriquer des ensilages et élever des veaux? Qui sera responsable de la facture climatique, nos BBB et nos Holstein productives ou leurs équivalents dans des systèmes encore peu expérimentés, nécessitant arrosage et importation de fourrage? Sommes-nous une humanité qui décide de sa perte aujourd'hui en assassinant ceux qui la nourrisse? Quelle espèce animale, hormis le lemming australien, décide d'un tel suicide collectif?

 J'ai fait un rêve, celui d'une agriculture transformée en secteur d'emploi fort, celui d'élevage où les machines ne remplacent pas l’œil et les mains expertes d'humains dont c'est le métier. C'est à l'emploi qu'il faut donner des primes, pas au renouvellement de matériel, c'est à l'encadrement qu'il faut aider, particulièrement quand les professionnels sont là. Attendra-t-on que plus personne ne veuille faire ces métiers, éleveurs, techniciens, agronomes, vétérinaires? La solitude est le poison de l'agriculture, doucement proposé comme système dominant par la structure des aides actuelles.

Je crois en effet que le principal effet de "serre", au sens oiseau de proie du terme, engendré par l'agriculture est causé par le manque de vision sur la productivité des animaux, l’augmentation du taux de renouvellement et le "rajeunissement" des troupeaux (laitiers, en tous les cas). Ces défis pourraient être relevés au quotidien par un partenariat construit entre ces professionnels précités, malheureusement aujourd'hui plus souvent en concurrence qu'en collaboration à un objectif de rentabilité. Il est clair qu'avec 40% de primipares, 2,4 lactations de moyenne, 430 jours d'intervalle de vêlage et 50% de mammites par an, certains troupeaux perdent leur culotte. Mais pourquoi? N'est-ce pas justement parce qu'ils ne se sont pas fait encadrer? N'est-ce pas parce qu'aujourd'hui il faut 80 vaches par unité temps plein pour gagner sa vie?

Alors, OUI, je crois que nos agriculteurs sont parmi les meilleurs de la planète, OUI je pense qu'ils le sont dans une structure encore semi-artisanale, respectueuse de l'équilibre sol-animal, OUI je pense qu'ils sont les seuls à pouvoir pérenniser l'animal de production dans un cadre agro-écologique. Ne l'ont-ils pas fait depuis toujours? Que seraient ces espaces de prairies et notre sol vu du ciel sans eux?

La solution est politique à mon sens, décider d'un "eldorado" de l'emploi en secteur agricole car nous avons un savoir-faire unique en train de disparaitre, avec des agriculteurs qui travaillent trop, et trop de demandeurs d'emploi. Comment expliquer sinon à nos enfants que nous aurons décidé de la mort d'un des fleurons de notre savoir-faire ancestral. Là, las, nous devrons rougir de honte.

Léonard Théron

Pour lire :
http://www.hbbbb.org/pdf/faut-il-griller-le-boeuf.pdf
http://www.hbbbb.org/pdf/bovin_boucs-emissaires.pdf

Et se souvenir...

Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.

mardi 29 mai 2012

Thickness

There are these days, in which you suddenly feel the storm as a soul revelator. I now have changed the washing solution, I heard that cold play, or was it Coldplay? What if suddenly all the people that left us could talk to your soul just one minute. What if, during day, light has no more heatness than the fridge? Imagine that you just can't finish your work, mainly because your head is swimming between clouds. I feel like licking honey on the plastic table, What if it was actually good? Yeah, indeed, there are these days in which reality seems more thick and hot than usual, or simply darker. Leo

vendredi 18 mai 2012

Petit Prince revisited

Cest vrai, cette histoire est étrange, presque envoutante, et personne ne sait ce que devient le Petit Prince. Sa rose l'attend, ignorante de la tendresse que ce dernier éprouvait, après tant de sentiments contradictoires. Le renard lui apprit que l'essentiel demeurait invisible et qu'on ne pouvait voir correctement qu'avec le coeur. Et ce jour, il comprit que la Rose demeurerait sa Rose, parce qu'il lui avait tant prodigué de soin, tant perdu de temps pour elle.
Aujourd'hui, contemplerait-on le temps perdu pour les choses que nous aimons? Ne passons nous pas notre vie à souhaiter oublier ce temps injustement valorisé, parce que notre société, ouvertement le méprise. Peut-être parce qu'elle l'envie.

Une ode au temps consacré? Et pourquoi pas, ralentir, contempler, s'arrêter, ouvrir les yeux, est-ce répréhensible?

Sans savoir comment se poursuit l'histoire, l'aviateur nous donne deux clés, l'imagination et l'espoir. Lorsqu'il dit "le plus beau et le plus triste paysage du monde, c'est celui où tu n'es plus", j'y vois la perte de cette contemplation, bénigne, mais puissante, hors de laquelle nous n'existons pas vraiment, nous survivons.

On devrait parler de cela, car OUI, les autres sont l'enfer dans lequel il faut vivre ou survivre. Mais le coeur des hommes et des femmes demeure la seule contrée pour laquelle je partirais sans provision ni abri, sans peur et sans projet. Simplement s'endormir près d'un battement de cil, sur la berge du fleuve des sentiments. Je t'envie Petit Prince, car ton créateur avait su saisir cette quintessence, l'ether des philosophes.

Alors, il restera notre rose, celle du Petit Prince, que nous glisserons dicrètement parmi d'autres, pour qu'elle ne soit pas seule, près du coeur. Elle contera son histoire, et continuera celle du Petit Prince, celle de ces coeurs trop grands, inondés par les sentiments, qui ont tenté et tenteront toujours d'apprivoiser ce Renard.

On ne peut vivre sans tendresse, car elle est la vraie richesse.



jeudi 1 mars 2012

De la creation de la différence

A l'attention du personnel de la faculté

Chers proches collègues, dont beaucoup sont des amis,

Certains ont pu se réjouir de l'attribution d'une petite "rawette"* au travers des chèques repas, et l'idée me paraissait séduisante, voir un juste du, au vu de l'investissement personnel des différents membres de notre grande entreprise publique.
Malheureusement, elle porte en elle le mal du siècle, la différence, oserais-je - discrimination?.
En effet, les membres oeuvrants sur des conventions de recherche ne peuvent en bénéficier qu'à la discrétion du chef de service, après négociation avec le bailleur de fond. Sachant même que les bénéfices fiscaux des chèques repas profitent à notre institution, et qu'il me semble que l'opération ne génère pas de surcout en réalité, c'est uniquement une astuce comptable.

Quelle étrangeté... Lorsque les cliniciens avaient un jour demandé un sur-salaire pour les prestations de garde, le "grand Tout" (ARF - Président de truc-Gestionnaire de chose-Coordonnateur de commission bidule) avait répondu que l'attribution de chèques repas à une catégorie de personnel serait vécue dans l'institution comme une discrimination. Aujourd'hui, cette distribution, certes honorable, en arrive au même point. Certains ne seront, en effet, jamais couverts par cette mesure.

Bizarre, non? Mon collègue avec qui je travaille tous les jours à même ancienneté (due à des contrats successifs) ne recevra rien.

Ce qui me désole, personnellement et j'espère ne pas être le seul, c'est que le personnel scientifique demeure un linge humide jamais assez pressé. Pas d'heures supp, pas de paiement des gardes, des salaires différents suivant le statut etc... Bref, tout est fait pour qu'il soit le fer corvéable, pris entre le PATO et le corps académique. L'instauration d'une nouvelle différence me laisse un peu amer, vu les sacrifices déjà consentis par chacun.
Sans parler des règles internes de promotions qui sont variables d'un corps de batiment à l'autre, et en désaccord total avec ce qui se passe dans d'autres pays (Prof de clinique à Liège = Thèse + Collège + Esclave + Résistant).

Je ne suis pas du tout un partisan de la syndication des intellectuels ou des chercheurs, mais faudra t-il en arriver là pour simplement rappeler que "le bonheur ça compte"!

C'est tout à fait perturbant, même si certains diront à raison que la vie est injuste, que la méritocratie est une valeur saine etc... Seul souci, c'est que le nombre de places est très inférieur au nombre de bonnes volontés.

Là où le précédent débat sur la différence a fait couler de l'encre, je ne souhaitais pas laisser cette question sans rien dire, ni faire. N'ayant pas l'expérience des "choses à faire" en cette matière, je propose de partager avec qui le souhaite et qui n'en touchent pas, mes chèques repas pour leur valeur excédentaire et priver ma famille de cette source de discrimination. Je n'ai pas besoin de préciser que l'argumentation "politique" sur le sujet me laisse froid, en temps de crise et bientôt de récession, sur des mesures qui conduisent à une discrimination salariale. Quel manque d'éthique.


A bon entendeur...

*“rawette” (prononcer “raouette) signifie “supplément” en wallon de Liège

mercredi 22 février 2012

Antibio - Les racines du mal

Comme à chaque fois, tel que le rappelait La Fontaine, "la raison du plus fort est toujours la meilleure". Dans notre époque mondialisée, rien n'est plus présent que l'information. Peu compte en réalité sa qualité, mais heureusement, nous en avons une quantité suffisante pour justifier nos forfaits ADSL ou autre "Box".

Le propos d'aujourd'hui sera centré sur la question de l'utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire et les conséquences éventuelles sur notre santé. Beaucoup parlent de crise mondiale de la santé, en oubliant relativement le vieillissement, le manque d'activité, les fumées industrielles et la bagnole. Plusieurs équipes scientifiques se sont penchées sur la résistance aux antibiotiques de plus en plus prévalente chez les bactéries pathogènes et commensales, chez l'humain et l'animal. Peu s'en fallait pour accuser notre coupable habituel (l'animal de ferme), en plus d'être responsable des gaz à effet de serre, le voilà propulsé danger public numéro 1.

Je me suis plongé dans la lecture du rapport de l'ANSES sur l'utilisation des antibiotiques en médecine bovine.
http://www.anses.fr/PNI101.htm
http://www.anses.fr/Documents/ANMV-Ra-Antibiotiques2010.pdf

Il en ressort, mea culpa, que le bovin consomme à lui tout seul 18% du tonnage total des antibiotiques vétérinaires. Cependant, il serait facile d'oublier que le bovin est le plus lourd des animaux de ferme, et de loin (600-800kg). Dès lors, l'indicateur pertinent choisi par l'ANSES est le chiffre rapporté à la masse totale d'animaux potentiellement susceptible d'être traitée. Ainsi, on peut distinguer que si le bovin consomme 18% des antibiotiques, il est le dernier en terme de dose rapportée à la population susceptible. Ce qui signifie que l'élevage bovin, majoritairement paysan en Europe, est celui qui utilise le moins de traitement antibiotiques.

Le palmarès pourrait se classer de cette façon :
 1) Lapins de production
2) Volailles
3) Porcs
4) Chats et chiens ( égal à la moyenne globale d'exposition)
5) Ovins et caprins
6) Chevaux
7) Bovins (2 fois inférieur à la moyenne d'exposition)
8) Poissons

 Quid des humains?
Et bien fort heureusement, la consommation d'antibiotiques a diminué depuis 10 ans de 16%. En réalité, elle a plutôt diminué jusqu'en 2004, et depuis elle stagne, voir tend à augmenter.
Je cite : 
I.3 Répartition de la consommation d’antibiotiques entre le secteur de ville et l’hôpital en
2009
En volume, et en doses journalières, les antibiotiques sont plus largement utilisés dans le secteur de ville que dans le secteur hospitalier.

  • La consommation dans le secteur de ville représente 137 millions d’unités (boîtes) vendues, avec un chiffre d’affaires (en prix fabricant) de 686 millions d’euros et une consommation en Dose Définie Journalière par 1000 habitants de 29,6. 
  • La consommation dans le secteur hospitalier représente 20 millions d’unités vendues, avec un chiffre d’affaires (en prix fabricant) de 166 millions d’euros et une consommation en Dose Définie Journalière par 1000 habitants de 2,2

Ainsi, Bovins et Humains consomment presque autant d'antibiotiques sur le terrain.

http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Communiques-Points-presse/Consommation-des-antibiotiques-en-France-bilan-de-dix-ans-d-evolution-Communique

Parmi les griefs fait aux animaux c'est la transmission d'agents pathogènes résistants, cependant de nombreux articles scientifiques montrent l'absence de lien entre les pathogènes animaux résistants et les transmissions vers l'homme. En revanche, l'inverse a été prouvé, par la transmission d'un clone humain de MRSA (Staphylocoques doré résistants), à l'animal.

Un fois de plus, je regrette que le débat n'ait pas lieu sereinement et scientifiquement. Car s'il est vrai que les animaux sont trop exposés, ce n'est pas vrai pour tous.






A lire : 
J Food Prot. 2011 Nov;74(11):1852-9.
Comparison of Virulence and Antibiotic Resistance Genes of Food Poisoning Outbreak Isolates of Staphylococcus aureus with Isolates Obtained from Bovine Mastitis Milk and Pig Carcasses.
Johler S, Layer F, Stephan R.